FOCUS – Protection des algorithmes


(Référence de l'article : 4400)

Les algorithmes, définis comme des suites d’opérations élémentaires qui permettent de traiter, exploiter et optimiser d’importantes masses de données, sont aujourd’hui omniprésents et représentent une valeur économique grandissante pour les acteurs du numérique qui y ont recours. Et pourtant ces actifs, en tant que tels, ne bénéficient pas d’une protection juridique qui leur est dédiée, ce qui nécessite de rechercher d’autres solutions afin d’assurer leur protection de manière indirecte.

 

  1. La protection par le droit de la propriété intellectuelle

 

  • Algorithme et droit d’auteur

En droit, un algorithme, de par sa nature, est assimilé à un principe mathématique qui fait partie du domaine des idées[i]. Or, les idées sont dites de « libre parcours » et ne bénéficient donc d’aucune protection par le droit d’auteur.

 

A maintes reprises, la jurisprudence a rappelé qu’un « algorithme est défini comme une succession d’opérations qui ne traduit qu’un énoncé logique de fonctionnalités, dénué de toutes les spécifications fonctionnelles du produit recherché » et qu’il est par conséquent « exclu du bénéfice de la protection par le droit d’auteur »[ii].

 

La Cour de justice de l’Union européenne explique cette position par le fait qu’« admettre que les fonctionnalités d’un programme d’ordinateur puissent être protégées par le droit d’auteur reviendrait à offrir la possibilité de monopoliser les idées, au détriment du progrès technique et du développement industriel »[iii].

 

A l’inverse, un algorithme intégré à un logiciel qui, lui, est protégeable par le droit d’auteur spécifique des logiciels, peut bénéficier de cette même protection. Il ne serait toutefois pas possible d’agir en justice à l’encontre d’un tiers non autorisé qui reprendrait uniquement l’algorithme de manière frauduleuse.

 

  • Algorithme et droit des brevets

 

En vertu de l’article L611-10 du code de la propriété intellectuelle, sont brevetables, les inventions nouvelles remplissant plusieurs critères, à l’exception des méthodes mathématiques et des programmes d’ordinateur. Un algorithme en tant que tel, défini comme un principe mathématique, ne peut donc pas faire l’objet d’une protection par le droit des brevets.

 

L’Office européen des brevets (OEB) a, toutefois, considéré qu’un algorithme intégré au sein d’une invention qui, elle, est brevetable, pouvait bénéficier d’une protection par le droit des brevets à la condition qu’il y ait une contribution au caractère technique de l’invention dans son ensemble[iv].

 

Néanmoins, contrairement à la protection par le droit d’auteur, toute demande de brevet, comprenant une description détaillée de l’invention, est rendue publique et consultable par tous dans son intégralité. Or, une personne, physique ou morale, qui a investi des sommes considérables afin de développer un algorithme peut préférer, de la même manière que le code source d’un logiciel, le conserver secret. Dans ce cas, la protection par le droit des brevets ne sera pas adaptée.

 

  1. La protection par le secret des affaires

 

La loi relative à la protection du secret des affaires, adoptée le 30 juillet 2018, apporte un cadre légal permettant la protection d’informations stratégiques pour une entreprise et qui n’étaient jusqu’alors pas protégées.

 

Ainsi, est protégée au titre du secret des affaires, toute information qui :

  • N’est pas connue ou aisément accessible pour les personnes du même secteur d’activité ;
  • Revêt une valeur commerciale effective ou potentielle ;
  • Fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret[v].

 

Si l’algorithme répond à ces critères, et notamment s’il a fait l’objet de mesures de protection raisonnables telles que la mise en place d’une charte informatique au sein de l’entreprise, d’une politique de gestion des accès ou encore d’accords de confidentialité avec les tiers y ayant eu accès,  le détenteur de cet algorithme pourra obtenir réparation de son préjudice en cas d’obtention, utilisation ou divulgation illicite de cet algorithme.

 

  1. Les protections non privatives

 

  • Les contrats

 

En complément des protections précédemment citées, il est essentiel, lorsque des informations stratégiques telles que des algorithmes ont vocation à être divulguées, de conclure des accords de confidentialité et d’insérer des clauses de non-concurrence au sein des contrats de travail. Plus largement, tous les documents commerciaux doivent porter la mention « confidentiel ».

 

  • Les autres fondements juridiques

 

Le détenteur d’un algorithme peut également agir en justice sur le fondement de la concurrence déloyale qui est définie comme « l’abus de la liberté causant, volontairement ou non, un trouble commercial »[vi]. L’action en concurrence déloyale suppose la démonstration d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.

 

Sur le plan pénal, la loi Godfrain du 5 janvier 1988[vii] pourra éventuellement être invoquée. Il s’agit de la première loi française à introduire la notion de système de traitement automatisé de données (STAD) et à incriminer l’accès et/ou le maintien frauduleux dans tout ou partie d’un STAD mais également l’extraction et la détention frauduleuse de données.

[i] Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, considérant 11.

[ii] Cour d’appel de Caen, chambre des appels correctionnels, 18 mars 2015, affaire Skype.

[iii] CJUE, 2 mai 2012, SAS Institue Inc. / World Programming Ltd.

[iv] OEB, Décision de la chambre de recours technique 3.5.1, 21 avril 2004, T 258/03, affaire Méthode d’enchères/HITACHI.

[v] Article L151-1 du code de commerce.

[vi] Com., 22 octobre 1985, pourvoi n°83-15096.

[vii] Loi n° 88-19 du 5 janvier 1988 relative à la fraude informatique.