La protection par le droit d’auteur « classique »


Le 9 March 2018

(Référence de l'article : 2170)

  1. Le « look and feel » et l’interface graphique

Selon le considérant n°10 de la directive 2009/24/CE, « un programme d’ordinateur est appelé à communiquer et à fonctionner avec d’autres éléments d’un système informatique et avec des utilisateurs […]. Les parties du programme qui assurent cette interconnexion et cette interaction entre les éléments des logiciels et des matériels sont communément appelées « interfaces ».

Le « look and feel » est un ensemble de règles qui régissent la présentation visuelle ainsi que le comportement des interfaces graphiques.

La CJUE a jugé que « l’interface graphique constitue simplement un élément de ce programme au moyen duquel les utilisateurs exploitent les fonctionnalités dudit programme. Il s’ensuit que cette interface ne constitue pas une forme d’expression d’un programme d’ordinateur […] et que, par conséquent, elle ne peut bénéficier de la protection spécifique par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur ». Toutefois, les juges ajoutent que : « une telle interface peut bénéficier de la protection par le droit d’auteur en tant qu’œuvre, en vertu de la directive 2001/29, si cette interface constitue une création intellectuelle propre à son auteur » (CJUE, 22 décembre 2010, affaire Bezpečnostní softwarová asociace ; CJUE, 2 mai 2012, SAS Institue Inc. / World Programming Ltd).

Il n’est, cependant, pas certain que le critère d’originalité soit aisément reconnu concernant les interfaces graphiques. En tout cas, c’est la position soutenue par les juges interrogés sur l’éventuelle contrefaçon d’un logiciel dont les interfaces graphiques étaient reprises par un second logiciel. L’expert avait constaté que l’état de l’art et les normes techniques existantes amplement utilisées au sein des logiciels avaient déterminé les ressemblances entre les produits. Par ce jugement, confirmé en appel, les juges n’ont pas considéré le « look and feel » comme une création originale mais comme une interface dictée par la fonction technique, et lui ont refusé la protection par le droit d’auteur (TC Meaux, 17 décembre 1996, Marben / CAO Diffusion ; CA Paris, 4e ch., 10 mai 2000).

  1. Le manuel d’utilisation

Il s’agit de l’ensemble des documents accompagnant le logiciel dont l’objectif est de faciliter son utilisation pour la personne qui doit l’utiliser.

Le code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas de protection, à proprement parler, de la documentation mais cette protection peut être supposée de l’article L113-9 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que « les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer ».

En ce sens, la cour d’appel de Paris a considéré qu’il « n’est pas contestable, ni d’ailleurs sérieusement contesté, que le manuel d’utilisation d’un logiciel constitue, comme le logiciel lui-même, une œuvre de l’esprit au sens de la loi du 11 mars 1957 » (CA Paris, 4e ch., 1er juin 1994).

Il est possible de déduire de cette décision que la documentation est protégée par le droit spécifique des logiciels mais ce n’est pas l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne qui a considéré que « le manuel d’utilisation du programme d’ordinateur de SAS Institute est une œuvre littéraire protégée au sens de la directive 2001/29 » et non de la directive 2009/24/CE sur les programmes d’ordinateur.

Elle ajoute également que « la reproduction dans un programme d’ordinateur ou dans un manuel d’utilisation de ce programme, de certains éléments décrits dans le manuel d’utilisation d’un autre programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur est susceptible de constituer une violation du droit d’auteur sur ce dernier manuel » (CJUE, 2 mai 2012, SAS Institue Inc. / World Programming Ltd).

  1. Le titre du logiciel

Selon l’article L112-4 du code de la propriété intellectuelle, « le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même ».

En ce sens, dans une affaire Microsoft, la cour d’appel de Paris a considéré que l’utilisation d’un titre de logiciel protégé par le droit d’auteur constitue une contrefaçon. En l’espèce, le nom du logiciel avait été utilisé pour la création d’un nom de domaine (CA Paris, 4e ch., 17 février 2006).

Il a également été jugé que le dépôt de la marque GPF effectué par la société Microformatic auprès de l’Inpi était frauduleux, puisque Jean-Bernard C. avait antérieurement enregistré à l’Agence pour la Protection des Programmes un logiciel portant cette même dénomination (CA Paris, 6 octobre 1995).

Le nom du logiciel peut également faire l’objet d’un dépôt à titre de marque auprès de l’Inpi s’il a vocation à être utilisé pour distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux de ses concurrents.

  1. Le cahier des charges

Le cahier des charges, qui émane du client, est un document qui permet de faire savoir au prestataire ce qui est attendu de lui lors de la réalisation d’un logiciel. Il décrit de manière précise les besoins du client et les spécifications que devra comporter le logiciel.

Le cahier des charges, normalement rédigé en amont des étapes de conception du logiciel, ne fait pas partie des éléments composant le matériel de conception préparatoire. Il ne pourra donc pas être protégé par le droit d’auteur spécifique des logiciels.

Dans un arrêt rendu en 2007, la cour d’appel de Toulouse a, en effet, considéré que « les services attendus du logiciel, la définition des besoins, les précisions apportées au cours de l’élaboration par le profane qui a souhaité voir créer un logiciel, à partir d’une idée, précisé, s’ils peuvent éventuellement constituer par eux-mêmes une œuvre de l’esprit, n’entrent pas dans le cadre de l’article L112-2 13° CPI » concernant les logiciels (CA Toulouse, 2e ch., 9 octobre 2007).

Le cahier des charges pourra toutefois être protégé par le droit d’auteur « classique » en tant qu’œuvre littéraire, à condition qu’il soit suffisamment élaboré, formalisé et original.