Protéger votre code source au-delà des frontières grâce au dépôt probatoire

Protégez votre code source au-delà des frontières grâce au dépôt probatoire

Article rédigé par Garance GONNET PRINCE, juriste PI à l’APP.

Temps de lecture : 6mn| Dépôt

Lorsque l’on s’étend à l’international, il ne faut surtout pas négliger la protection de ses créations numériques. Pour protéger au mieux son code source, il est indispensable de s’intéresser aux bases du droit d’auteur à l’international et de connaitre les moyens de preuve reconnus par les tribunaux étrangers.  Se pose notamment la question de savoir si un dépôt probatoire effectué en France peut être utile en dehors des frontières nationales.

 

Rappels du droit d’auteur

En France, le code source de votre logiciel est considéré comme une œuvre au sens du droit d’auteur.

Les œuvres sont protégées du simple fait de leur création, sous réserve d’être formalisées et originales. L’auteur d’une œuvre bénéficie automatiquement de droits exclusifs sur sa création sans avoir à accomplir de formalités d’enregistrement. Ces droits exclusifs sont :

  • le droit moral, qui permet de s’opposer à une divulgation de l’œuvre qui serait faite sans le consentement de l’auteur ou à une utilisation qui dénaturerait l’œuvre, ou encore de revendiquer que le nom de l’auteur soit mentionné
  • les droits patrimoniaux, qui permettent d’interdire ou d’autoriser l’utilisation de l’œuvre et de percevoir une rémunération.

 

Le droit d’auteur à l’international : la Convention de Berne

Les règles en matière de droit d’auteur ont été harmonisées à l’international grâce à la Convention de Berne, adoptée en 1886. Cette convention repose sur trois principes fondamentaux et contient une série de dispositions définissant le minimum de protection qui doit être accordé dans tous les États signataires.

Il est primordial de connaitre ces principes et dispositions car ils posent les bases du droit d’auteur à l’international et auront des conséquences sur la protection de votre code source dans tous les États signataires.

 

Le principe du traitement national

Selon ce principe, chaque État signataire s’engage à accorder aux œuvres ayant pour pays d’origine l’un des autres États contractants le même niveau de protection qu’aux œuvres originaires de son propre pays.

Sont concernées :

  • les œuvres dont l’auteur est un ressortissant d’un autre État contractant,
  • ou les œuvres qui ont été publiées pour la première fois dans un tel État.

Ces œuvres doivent bénéficier dans chacun des autres États contractants de la même protection que celle qui est accordée par lui aux œuvres de ses propres nationaux.

 

Le principe de protection automatique

Cela signifie que la protection par le droit d’auteur ne peut pas être subordonnée à l’accomplissement de formalités. Dans tous les États signataires, l’auteur bénéficie d’une protection du simple fait de la création de son œuvre.

 

 Le principe d’indépendance de la protection

L’œuvre est protégée par la loi de l’État où elle est utilisée indépendamment de l’existence d’une protection dans le pays d’origine de l’œuvre. La protection de l’œuvre doit être totalement dissociée de l’existence d’une protection dans son pays d’origine.

 

Autres dispositions essentielles de la Convention de Berne

En plus de ces trois principes fondamentaux, la Convention de Berne instaure plusieurs règles importantes.

Tout d’abord, elle retient une définition très large de ce qui doit être considéré comme une « œuvre », définition qui permet de considérer que les logiciels sont bien des œuvres au sens de cette convention.

Par ailleurs, la Convention de Berne liste les droits patrimoniaux qui doivent être reconnus dans les États signataires. On peut citer par exemple le droit de traduire, le droit de faire des adaptations et des arrangements de l’œuvre, le droit de la communiquer au public, le droit de faire des reproductions de quelque manière et sous quelque forme que ce soit…etc.

Elle fixe également une durée minimale pour les droits patrimoniaux : 50 ans après la mort de l’auteur. Les États signataires sont libres de prévoir une durée plus longue, ce qui est le cas au sein de l’Union Européenne, où ces droits durent 70 ans après la mort de l’auteur.

Enfin, la convention impose aux États signataires de reconnaitre le droit moral des auteurs. Il s’agit du droit de revendiquer la paternité de l’œuvre et du droit de s’opposer à toute mutilation, déformation ou autre modification de l’œuvre ou à toute autre atteinte qui serait préjudiciable à l’honneur ou à la réputation de l’auteur.

 

Les moyens de protection du code source au niveau international

À première vue, le principe de protection automatique est très avantageux pour les auteurs car ils sont ainsi dispensés de l’obligation d’effectuer des formalités, ce qui leur permet de faire des économies de temps et d’argent non négligeables.

Cependant, la conséquence directe de ce principe est qu’aucun tiers de confiance ne vient remettre aux auteurs un titre de propriété qui leur permettrait de prouver de manière certaine l’antériorité de leur titularité.

Pour pallier ce problème, les auteurs peuvent avoir recours à différents moyens comme faire appel à un notaire, à un huissier ou encore s’envoyer un courrier recommandé à eux-mêmes. Le moyen le plus fiable reste de recourir à un dépôt horodaté auprès d’un tiers afin d’obtenir un certificat probatoire.

Les dépôts effectués auprès de l’APP permettent d’obtenir des certificats probatoires qui peuvent être présentés devant les juridictions de tous les États signataires de la Convention de Berne.

À ce jour, 181 États sont signataires de la Convention de Berne. Vous trouverez la liste complète de ces États sur le site internet de l’OMPI : https://www.wipo.int/wipolex/fr/treaties/ShowResults?start_year=ANY&end_year=ANY&search_what=C&code=ALL&treaty_id=15

Cela signifie que, dans chacun de ces 181 États, si l’auteur est un ressortissant d’un des États signataires de la convention ou si l’œuvre a été publiée pour la première fois dans l’un des États signataires, alors le certificat délivré par l’APP est un moyen de preuve recevable.

De plus, en vertu de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce adopté en 1994 (Accord sur les ADPIC), les principes du traitement national, de la protection automatique et de l’indépendance de la protection s’imposent également aux membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui ne sont pas parties à la Convention de Berne. En outre, l’Accord sur les ADPIC institue une obligation de « traitement de la nation la plus favorisée » : les avantages accordés par un membre de l’OMC aux ressortissants de tout autre pays doivent aussi être accordés aux ressortissants de tous les membres de l’OMC.

 

Conclusion

Le droit d’auteur est harmonisé à l’international grâce à la Convention de Berne, dont 181 États sont signataires à ce jour (parmi lesquels figurent l’ensemble des pays de l’UE, les États-Unis, l’Inde, le Japon etc.).

Si l’auteur est un ressortissant d’un des États signataires de cette convention ou si l’œuvre a été publiée pour la première fois dans l’un de ces États, alors l’auteur est automatiquement protégé par les dispositions de la Convention de Berne.

À ce titre, un dépôt effectué auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes peut être présenté devant les juridictions de n’importe lequel de ces États afin d’apporter la preuve de l’identité du titulaire de droits et de la date de création de l’œuvre.

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