pas de protection de logiciel sans preuve d'originalité

Pas de protection de logiciel sans preuve d’originalité.

Article rédigé par Sylvie ROZENFELD

Rédactrice en chef d’Expertises.

Temps de lecture : 3mn| Propriété intellectuelle

Le  logiciel  est protégeable par le  droit d’auteur sans formalités juridiques, au titre de l’article L. 112-1 et de l’article L. 112-2 13° du code de la propriété intellectuelle. Cette protection juridique s’applique aux 181 pays signataires de la Convention de Berne (WIPO).
Pour pouvoir agir en contrefaçon, une condition indispensable est exigée par les tribunaux  : il faut démontrer que l’œuvre est originale. L’originalité d’un logiciel est définie comme la « preuve d’un effort personnalisé, allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée » (Cass. Ass. plen., arrêt PACHOT, 7 mars 1986).

Comment concrètement prouver qu’un logiciel est original ?

En 2012, une jurisprudence[1] a précisé les trois critères jurisprudentiels devant être réunis pour conclure à l’originalité du logiciel. Pour gagner un procès en contrefaçon, il faut ainsi pouvoir démontrer :
-  L’existence de choix opérés par l’auteur concepteur du logiciel, différents de la pratique traditionnelle ou de ceux des concurrents
-  L’apport intellectuel propre à l’auteur dans la conception du logiciel
-  L’effort personnalisé de cet auteur

Autant d’éléments pour lesquels il est difficile d’apporter une preuve factuelle et irréfutable…

Ces 15 dernières années, la jurisprudence française est devenue particulièrement exigeante en matière d’originalité du logiciel. Les avocats spécialisés en protection de la propriété intellectuelle rencontrent des difficultés croissantes à obtenir du tribunal un jugement favorable et cela malgré les preuves apportées. La preuve d’originalité du logiciel étant réfutée par les juges, il ne peut y avoir de procès pour contrefaçon de logiciel et il incombe alors aux avocats de trouver d’autres tactiques pour faire valoir les droits de leurs clients (procès pour concurrence déloyale par exemple).

Cette difficulté des tribunaux à valider les preuves d’originalité apportées par les avocats repose sur leur réticences à prendre en compte certains critères  :

-  L’investissement ou le temps passé sur le logiciel (sweat of brow)  : ce critère utilisé dans la protection des bases de données ne s’applique pas à l’originalité du logiciel
-  Le succès commercial du logiciel
-  La nouveauté  : le jugement du TJ de Bordeaux sur l’affaire Linagora et Blue Mind du 22 juillet 2020[2] nous rappelle que «  la notion d’invention ou de nouveauté n’est pas un critère de l’originalité   ».

Il arrive toutefois qu’un tribunal accepte les preuves apportées et conclue que le logiciel est original. Ce critère d’originalité a ainsi récemment été accepté par le tribunal de Marseille lors d’un jugement pour contrefaçon opposant Generix à son concurrent ACSEP, et qui a attribué au terme d’un procès de plusieurs années, la somme de 3 millions d’euros de dommages et intérêts à Generix.

Le tribunal a estimé que les choix opérés lors du développement (le langage de développement, les scénarios, les variables choisies, etc.) étaient originaux. Il s’est aussi basé sur deux critères rejetés en théorie par les juges  : la nouveauté et le succès commercial du logiciel.

Avant de se prononcer sur la contrefaçon, le tribunal a d’abord pu identifier que Generix était bien le titulaire des droits sur le logiciel, grâce aux certificats de dépôts délivrés par l’Agence pour la protection des programmes (APP). Le tribunal s’est ensuite basé sur un rapport d’analyse technique qui a montré que les codes sources détenus par ACSEP étaient identiques à 98% à ceux déposés par Generix à l’APP.

Le dépôt du logiciel auprès de l’APP a été particulièrement utile dans cette affaire. Il a permis de prouver l’antériorité de Generix sur sa création et d’identifier le code source en question pour l’analyser.

Si la question de l’originalité du logiciel reste un préalable à tout procès en contrefaçon et demeure difficile à démonter, le dépôt probatoire constitue, en revanche, une preuve d’antériorité irréfutable et reconnue par ls tribunaux. Il serait donc dommage de se priver de cette protection.

[1]https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026516632/

[2]https://www.legalis.net/actualite/blue-mind-linagora-pas-de-manquement-a-la-garantie-deviction/

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