Site internet et propriété intellectuelle - APP

Site internet et PI : points de vigilance de la création à la mise en ligne

Article rédigé par Lorena RAULOT, Michaël PIQUET-FRAYSSE et Martin COUMAU

Cabinet d’avocats Ebl Lexington.

Temps de lecture : 6mn| Propriété Intellectuelle

La protection d’un site web est cruciale dans le paysage numérique d’aujourd’hui. Plus qu’une simple vitrine en ligne, un site web est souvent le visage public d’une entreprise, d’une organisation ou même d’un individu. Le législateur et la jurisprudence ont donc pris en considération cette notion dans le but de garantir sa protection.

En effet, bien qu’un site web ne reçoit pas de définition juridique propre, il présente des qualifications diverses et cumulables selon ses caractères.

Seront développés ci-après les points d’attention nécessaires tant au moment de la création d’un site internet que pendant son exploitation

 

BIEN PROTEGER SON SITE INTERNET DES LA CREATION

La protection d’un site web doit être assurée dès sa conception. Cela implique d’anticiper les éventuelles cessions de droits qui pourraient survenir au stade de la création et d’optimiser son référencement en identifiant et réservant des mots-clés appropriés.

 

Bien anticiper la cession de droits sur la création du contenu d’un site web

Pour élaborer un site internet, il est souvent nécessaire de signer un contrat avec un prestataire chargé de sa conception et de son développement.

L’opération ne conduit cependant pas automatiquement à un transfert de propriété intellectuelle, lequel doit être expressément prévu par un contrat distinct.

Il en est de même pour les éléments qui seraient créés par un salarié. En effet, l’existence d’un contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits d’auteur qui naissent sur la tête du salarié[i] sauf exception comme les œuvres logicielles[ii].

La clause de cession doit répondre à des critères précis pour être valable et ne peut porter sur des œuvres futures[iii]. La jurisprudence admet toutefois la validité d’une clause de cession de droits d’auteur d’un salarié sur ses créations « au fur et à mesure de leur réalisation »[iv].

Récemment, en matière de logiciels, le législateur a prévu un régime assoupli pour les stagiaires en instaurant une dévolution des droits patrimoniaux à la structure d’accueil en contrepartie d’une indemnité dédiée.

Le référencement payant ou naturel

Le référencement de son site internet sur les moteurs de recherches peut être payant, ou naturel (c’est le principe du SEO).

S’agissant du référencement payant sur le browser de Google, il se fait via le système « Google Ads » par lequel, contre rémunération, Google fait apparaître le site par détermination de mots clés.

Il est très courant qu’une organisation achète les mots clés correspondant au nom de marque de ses concurrents afin de faire apparaître sa publicité Google Ads lorsqu’un internaute recherche une marque concurrente sur internet. La réservation d’un mot-clé constitué par une marque protégée ne sera pas automatiquement qualifiée de contrefaçon. La jurisprudence est en effet venue poser des limites et le titulaire de la marque ne sera habilité à interdire un tel usage « que lorsque les résultats de la recherche ne permettent pas ou permettent seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers »[v].

S’agissant du référencement naturel, il est également possible d’ajouter des mots clé directement dans le code source, afin de favoriser le référencement du site sur ce mot-là. Cette pratique est admise si elle ne porte pas atteinte à la fonction d’origine de la marque[vi]. Pour autant, le titulaire de la marque usurpée peut interdire l’utilisation de son signe par un tiers dans le code source de son site internet « dès lors qu’il propose comme résultat à la recherche d’un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque »[vii].

 

DEFENDRE SON SITE INTERNET DU SQUATTING ET DE LA COPIE

Le législateur et la jurisprudence ont mis à la disposition des propriétaires de sites web différents moyens d’action pour combattre la copie ou l’imitation du nom de domaine ainsi que du contenu même du site.

La reprise ou l’imitation de votre nom de domaine : typosquatting

En cas de reprise ou d’imitation de votre nom de domaine, deux voies d’action sont envisageables.

Typosquatting. Première voie d’action : saisir les juridictions judiciaires.

Le typosquatting consiste à enregistrer des noms de domaine présentant une proximité orthographique avec ceux d’un concurrent afin de créer « un avantage commercial indu, en profitant des investissements et de la notoriété du concurrent »[viii] que les juges qualifient de concurrence déloyale.

Aussi, cette pratique est sanctionnée sur le terrain de la contrefaçon lorsque la différence entre le nom de domaine et la marque est insignifiante et passe inaperçue aux yeux des consommateurs[ix].

Typosquatting. Seconde voie d’action : initier une procédure administrative.

La procédure administrative envisageable dépendra alors de la nature du nom de domaine concerné (par exemple « .fr » ou « .com »).

L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) et l’AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération) ont développé deux procédures extra-judiciaires de règlement des litiges entre détenteurs des noms de domaine.

Trois conditions cumulatives sont nécessaires au bien-fondé d’une plainte UDRP :

  • le nom de domaine litigieux doit être identique ou semblable à une marque ;
  • le défendeur ne doit avoir aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache ;
  • le nom de domaine doit être enregistré et utilisé de mauvaise foi.

Ces procédures administratives permettent d’obtenir la radiation ou le transfert de son enregistrement au profit du requérant.

Ces procédures sont destinées à éviter que les tribunaux ne soient engorgés par les affaires de cybersquattage les plus flagrantes.

Concernant ensuite les noms de domaine en .fr, .re, .yt ou .pm réservés ou renouvelés après le 1er juillet 2011, seule la procédure Syreli sera envisageable.

Toute personne ayant intérêt à agir peut alors solliciter de l’AFNIC la suppression ou le transfert à son profit d’un nom de domaine contraire aux dispositions de l’article L-45-2 du CPCE.

La reprise ou l’imitation du contenu de votre site

En cas de reprise ou d’imitation du contenu de votre site, trois voies sont envisageables

Il est tout d’abord envisageable d’engager une action sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme

En effet, la jurisprudence sanctionne régulièrement sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme la reprise de la présentation ou les éléments essentiels du site internet d’un tiers concurrent comme la reproduction intégrale du « cheminement de la commande »[x] ou « du plan, la structure, les fonctionnalités, l’agencement des rubriques et le contenu du site »[xi].

Il est également possible d’agir en contrefaçon de droit d’auteur en cas d’atteinte à la structure ou la présentation du site internet.

Dès lors, si la simple description des éléments ne suffit pas en soi à démontrer l’empreinte de la personnalité de l’auteur, les juges admettent plus aisément que le choix de combiner l’ensemble de ces éléments pourra constituer une démarche originale[xii].

Aussi, les logiciels[xiii] et codes sources[xiv] bénéficient d’une protection à part entière. Leur originalité est alors caractérisée par la démonstration d’un apport intellectuel propre se distinguant du simple savoir-faire technique relatif au déploiement du site internet.

Enfin, les juges pourront retenir l’atteinte portée à la base de données elle-même.

Les bases de données bénéficient effectivement d’une double protection : son architecture peut être protégée par le droit d’auteur tandis que la base de données elle-même est protégée par un droit sui generis au profit de son producteur[xv].

L’originalité – condition de la protection accordée par le droit d’auteur – de la base de données s’appréciera notamment selon « le choix et la disposition des matières »[xvi].

La protection sui generis est quant à elle soumise à la réunion de trois conditions[xvii] :

  • être le producteur de la base de données ;
  • avoir consenti un investissement financier, humain ou matériel ;
  • avoir effectué un investissement substantiel dans la constitution, la vérification ou la présentation du contenu.

 

En conclusion, le droit offre une protection complète aux sites web, à la fois au moment de leur création et pendant leur exploitation. Les propriétaires bénéficient ainsi de divers moyens d’action, mis en place par le législateur et la jurisprudence, pour lutter contre la copie, l’imitation ou toute autre forme d’atteinte à leurs droits. Cette protection juridique assure aux acteurs du web un environnement sécurisé pour développer et exploiter leurs plateformes en toute confiance.

[i] TGI Lyon, réf., 22 oct. 2001

[ii] Art. L. 113-9 CPI

[iii] Art. L.131-1 CPI

[iv] CA Paris, 25 janvier 2023, n° 19/15256

[v] CA Paris, 28 janvier 2021, n° 20/11611

[vi] TGI Paris, 29 janvier 2016, n° 14/06691

[vii] Cass. com., 18 octobre 2023, n°20-20055

[viii] CA Colmar, 27 mars 2019, n° 17/00295

[ix] Fasc. 7519 : Marques et noms de domaine

[x] TCom Paris, 28 septembre 2015

[xi] CA Paris, 7 octobre 2015, RG n°10/11257

[xii] TGI Paris, 12 janvier 2017

[xiii] Art. L. 112-2 CPI

[xiv] TCom Paris, 15 octobre 2004

[xv] Art. L. 341-1 CPI

[xvi] CJUE, 4 oct. 2011, Premier League

[xvii] Art. L. 341-1 CPI

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