Droit d’auteur et prestation de maintenance corrective et évolutive

Droit d’auteur et prestation de maintenance corrective et évolutive

Article rédigé par Thomas CAVACECE

Temps de lecture : 5mn| Protection

À l’ère du numérique, les sociétés ont régulièrement recours à des prestataires, tels que des sociétés éditrices de logiciels, pour le développement de leurs solutions internes.

Il est aussi fréquent que ces sociétés fassent appel à des prestataires, qui sont ces mêmes sociétés ou à d’autres prestataires externes, à des fins de maintenances correctives et évolutives. Dans le premier cas, il s’agit de corriger les bugs et de maintenir les performances du progiciel. Le second cas correspond à l’ajout de fonctionnalités afin de développer et d’améliorer l’outil numérique.

La seconde situation peut s’avérer problématique en cas de conflit entre le client et le prestataire.  En effet, il n’est pas rare que le prestataire retienne le code source en cas de litige avec son client, revendiquant un droit de propriété intellectuelle sur l’œuvre dérivée nouvellement créée.

Mais un éditeur de logiciel ou un prestataire de maintenance évolutive peut-il revendiquer des droits sur l’œuvre née de l’évolution du progiciel ?

Le prestataire peut-il revendiquer des droits de PI sur une évolution du logiciel ?

Pour rappel, pour qu’un code source soit considéré comme une œuvre de l’esprit, et qu’il soit donc protégeable par le droit d’auteur, il doit être fixé sur un support et revêtir un caractère original. Cette originalité est considérée comme l’empreinte de la personnalité de son auteur. Sans cet élément, une création ne peut être qualifiée d’œuvre de l’esprit et son auteur ne peut revendiquer de droit.

Il est donc concevable qu’une maintenance évolutive puisse être assimilée à une œuvre dérivée au sens de l’article L113-2 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle[1].

Un développement de maintenance peut être considéré comme une œuvre de l’esprit. Cas de AG2L

Dans une affaire récente , le Tribunal judiciaire de Paris[2] a dû trancher la question des droits de propriété intellectuelle attachés à un contrat de maintenance corrective et évolutive.

La société SEIDI (devenue SPEIG puis COLAS DIGITAL) avait conclu avec la société AG2L un contrat pour la conception et la maintenance du logiciel Zephyr, avec une cession des droits au profit de la première société. La société SPEIG a conclu par la suite un contrat de maintenance corrective et évolutive avec la société AG2L Développement.

En 2022, au cours de négociations entre la société COLAS DIGITAL et AG2L Développement, cette dernière a revendiqué des droits de propriété intellectuelle sur les nouvelles versions du logiciel Zephyr.

Les juges ont rejeté cette revendication, indiquant que la société AG2L Développement ne démontrait pas en quoi ses contributions s’écartaient de la simple maintenance corrective et des mises à jour réclamées par son client.

Ainsi, le prestataire ne démontrait pas en quoi ses contributions étaient originales et donnaient naissance à une œuvre nouvelle protégée par le droit d’auteur et exclu du contrat de cession préalablement conclu.

Prévoir la cession de droits sur les évolutions futures d’un logiciel

À contrario, dans le cas où une véritable évolution donnerait naissance à une œuvre dérivée au sens de l’article L113-2 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, et en l’absence de stipulations contractuelles précisant une cession, le prestataire aurait pu se voir accorder des droits sur l’œuvre nouvellement créée. Cela aurait eu pour conséquence d’ouvrir la voie vers de nouvelles négociations.

Cela démontre la nécessité de faire preuve de précaution lors de la négociation des contrats de maintenance. Il est aussi important de prévoir l’avenir des droits de propriété intellectuelle. Les conditions doivent être établies en prévention d’une évolution donnant naissance à une nouvelle œuvre.

En l’absence de stipulations contractuelles précisant le sort des droits, il faudra être capable de démontrer l’originalité de l’œuvre nouvelle en démontrant les apports du prestataire de maintenance. Il est possible d’exploiter différents éléments comme le cahier des charges et le matériel de conception préparatoire[3] qui pourront nourrir votre argumentation. Il sera aussi pertinent de démontrer que ces évolutions, donnant naissance à une œuvre nouvelle, sont indépendantes des directives données par le client.

Enfin, avant de rechercher un prestataire externe pour la maintenance de vos progiciels, n’oubliez pas de vérifier la titularité des droits. En effet, en cas de licence, l’éditeur peut se réserver le droit, par contrat, d’effectuer lui-même la maintenance[4].

L’Agence pour la Protection Des Programmes l’APP est une association loi 1901 fondée en 1982 et dont la vocation est d’informer et de former les juristes d’entreprise aux enjeux de la PI et des nouvelles technologies. Elle propose des solution de dépôt de propriété intellectuelle, d’entiercement de logiciel et d’audit de la PI du code source, incluant notamment une analyse exhaustive des open source

 

[1] Article L113-2 alinéa 2 Code de la propriété intellectuelle : « Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière. »

[2] Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance de référé du 20 juillet 2023

[3] Directive 2009/24/CE : « les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur »

[4] Article L122-6-1 alinéa 2 Code de la propriété intellectuelle

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