
Le secret des affaires : un dispositif supplémentaire pour protéger vos actifs numériques et autres
Article rédigé par Cendrine Claviez & Lorraine Petit, avocates associées au cabinet PINT Avocats
Temps de lecture : 5 mn| Protection
Comment une entreprise peut-elle sécuriser ses informations sensibles et préserver son avance concurrentielle ? Le secret des affaires constitue une réelle opportunité pour protéger efficacement les éléments à forte valeur ajoutée, algorithmes, codes sources, bases de données, procédés innovants, savoir-faire ou fichiers clients, en complément du droit de la propriété intellectuelle. Facile à mettre en œuvre via des démarches internes simples et peu coûteuses, ce dispositif est particulièrement adapté aux entreprises innovantes, quel que soit leur secteur.
Points clés à retenir
- Le secret des affaires protège les informations confidentielles et actifs immatériels non couverts par la propriété intellectuelle.
- Il s’applique aux informations non publiques, ayant une valeur commerciale et protégées par des mesures raisonnables.
- 3 étapes pour sécuriser vos secrets :
– Identifier les informations sensibles et les risques.
– Classer et sécuriser (accès limité, mentions de confidentialité, mesures techniques et organisationnelles).
– Outiller et nommer un référent (contrats, dépôt/horodatage, suivi de la protection).
- En cas d’atteinte, il est possible d’engager des mesures d’urgence et des actions judiciaires pour stopper l’usage illicite et obtenir réparation.
I. Qu’est-ce que le secret des affaires ?
Le secret des affaires permet de protéger une avance concurrentielle, sans divulgation de vos informations confidentielles.
Il est reconnu depuis la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 et couvre toute information qui (i) n’est pas généralement connue ou aisément accessible dans le secteur, (ii) a une valeur commerciale du fait de son caractère secret et (iii) fait l’objet de mesures de protection raisonnables par son détenteur. Autrement dit : une info utile, non publique et effectivement protégée.
Ainsi, le secret des affaires complète utilement la propriété intellectuelle : il couvre des informations non brevetables ou avant le dépôt de brevet, des œuvres protégeables par le droit d’auteur mais dont on souhaite conserver la confidentialité (codes sources ou base de données par exemple), du savoir-faire, des procédés, algorithmes, méthodes, mais aussi des informations financières, stratégiques, fichiers clients, etc.
II. Comment protéger ses secrets en 3 étapes
Étape 1 – Identifier : dressez l’inventaire des informations sensibles (R&D, stratégie, code, données clients/fournisseurs, politiques tarifaires, etc.), cartographiez les détenteurs et les supports (personnes, SI, réseaux, outils de partage), puis recensez les risques et menaces.
Étape 2 – Classer : mettez en place une classification claire (par exemple, C0 public → C3 très confidentiel), apposez des mentions de confidentialité sur les documents et fichiers, et limitez l’accès par niveaux d’habilitation aux seules personnes qui ont besoin d’en connaître.
Étape 3 – Outiller & nommer un référent : combinez moyens contractuels (NDA, non-concurrence…), techniques (sécurité, chiffrement), organisationnels (chartes, sensibilisation), et probatoires (datations et dépôts, notamment le dépôt APP !) et désignez un référent pour piloter leur mise en œuvre (pourquoi pas le DPO – délégué à la protection des données – dans les petites structures pour mutualiser les fonctions ?)
III. En cas d’atteinte : comment agir en justice
Lorsqu’une atteinte au secret des affaires est constatée, qu’il s’agisse d’une obtention illicite (accès ou copie non autorisés), d’une utilisation ou d’une divulgation illicite, y compris en chaîne (lorsqu’un tiers exploite les informations en sachant ou en devant savoir leur origine frauduleuse), plusieurs leviers judiciaires peuvent être activés.
Des mesures d’urgence peuvent être sollicités : interdiction de poursuivre l’usage litigieux, retrait des produits en cause, destruction ou remise des documents concernés. Par la suite, la victime peut obtenir des dommages-intérêts, calculés sur la base des pertes subies, des gains indûment réalisés par le fautif, ainsi que du préjudice moral occasionné.
En défense, dans le cadre de procédures en cours ou de mesures « avant tout procès » (article 145 du Code de procédure civile), vous pouvez faire valoir le secret des affaires pour éviter une divulgation judiciaire des informations. Le juge dispose de mesures de protection du secret, sous réserve de le démontrer et de proportionnalité avec le droit à la preuve : communication restreinte, résumés, huis clos, caviardage, listes de personnes habilitées…
IV. Check-list immédiate (à adapter à votre risque)
- Cartographier vos informations et supports
- Classifier & marquer (ex. C1/C2/C3)
- Limiter l’accès, prévoir des mesures de sécurité techniques et opérationnelles
- Contractualiser avec vos salariés et partenaires
- Former régulièrement (onboarding, départs, prestataires)
- Déposer & horodater vos versions clés (APP, e-Soleau, horodatage)
- Nommer un référent et définir un plan de réponse (technique/juridique/communication) en cas d’incident.

V. Ce qu’il faut retenir
Le secret des affaires n’est pas un label collé après coup : il repose sur des mesures raisonnables et traçables.
En structurant votre politique interne et vos preuves, vous passez d’une posture défensive à une stratégie de valeur : sécuriser votre avance, fluidifier vos partenariats et agir ou vous défendre le jour où cela est nécessaire.
A propos des auteures
Lorraine Petit et Cendrine Claviez sont avocates associées au cabinet PINT Avocats.
Fondé en 2012 à Marseille, PINT Avocats participe à l’accompagnement juridique stratégique des entreprises et organismes, en conseil et en contentieux, dans les domaines de la propriété intellectuelle, du numérique et des données personnelles.
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