Focus – Dépôt à titre de preuve dans les marchés publics


Le 30 janvier 2020

(Référence de l'article : 1632)

La commande publique représentait 10 % du PIB et 200 milliards d’euros en 2014 pour connaitre une légère baisse en 2016 suite à la réforme des marchés publics. Malgré cela, les contrats administratifs conclus avec des fournisseurs et prestataires de services sont toujours régis par des règles très strictes telles que l’obligation de mise en concurrence et de publicité préalables à tout achat public. Ce principe connaît toutefois des exceptions, notamment lorsqu’un fournisseur détient les droits exclusifs pour fournir un service. Le plus difficile sera, pour le fournisseur, de prouver cette exclusivité sous peine de sanctions. 

  1. Principe : l’obligation de mise en concurrence

Depuis le 1er avril 2019, les contrats administratifs sont régis par le nouveau code de la commande publique (CCP) issu de l’ordonnance n°2018-1074 du 26 novembre 2018 et du décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018. De la même manière que pour l’ancien code des marchés publics, le fait de procéder à une publicité et une mise en concurrence préalables des marchés publics permet de garantir le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures énoncés à l’article L3 du CCP.

Les différentes procédures de mise en concurrence telles que l’appel d’offres ouvert ou restreint sont définis par l’article L2120-1 du CCP. Quant à l’obligation de publicité préalable, elle est prévue par l’article L2131-1 du CCP afin de susciter la plus large concurrence.

  1. Exception : l’exclusivité

Dans certains cas fixés par décret, les acheteurs sont autorisés à passer des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ainsi, en vertu de l’article R2122-3 du CPP, lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé du fait de l’existence de droits d’exclusivité, notamment de droits de propriété intellectuelle, les acheteurs peuvent déroger aux obligations énoncées ci-avant.

Cette exception s’applique notamment aux logiciels nécessaires à une entité publique mais dont l’éditeur détient l’exclusivité. Dans ce cadre, l’acheteur public ne sera pas contraint d’effectuer une publicité et une mise en concurrence préalables, sous réserve pour l’éditeur de démontrer qu’il détient l’exclusivité sur le logiciel vendu.

  • La notion de « certificat d’exclusivité »

Dans le cadre des marchés publics négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables, les acheteurs sollicitent des éditeurs de logiciels la remise d’un « certificat d’exclusivité » afin de démontrer que la mise en concurrence n’est pas nécessaire.

La notion de « certificat d’exclusivité » provient d’un arrêt du Conseil d’Etat du 2 octobre 2013 dans lequel celui-ci a jugé que : « il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé que, conformément à un certificat délivré par l’Agence pour la protection des programmes (APP), la société Itop détient des droits d’exclusivité sur le logiciel « NetCollège » et que, selon une attestation non contestée émanant de cette société, cette exclusivité englobe l’exploitation et la maintenance de « NetCollège » pour tout marché et toute reconduction de marché à compter du 1er janvier 2013 [1].

Le Conseil d’Etat semble donc considérer que les « droits d’exclusivité » appartiennent à un éditeur de logiciel lorsque celui-ci :

  • détient un certificat d’enregistrement de l’APP (également appelé certificat IDDN) relatif au logiciel qui fait l’objet du marché et ;
  • est en mesure de communiquer « une attestation » rédigée par ses soins et indiquant qu’il détient des droits exclusifs sur l’exploitation et la maintenance du logiciel pour tout marché et toute reconduction de marché.

A ce titre et contrairement aux idées reçues, l’APP ne délivre pas à proprement parler de « certificat d’exclusivité » mais uniquement un certificat attestant qu’un enregistrement a été effectué. Quant au Conseil d’Etat, il fait référence au certificat délivré par l’APP à titre de preuve de l’exclusivité bien que tout autre moyen de preuve aurait pu être recevable afin de prouver cette exclusivité.

Ainsi, c’est la production de ces deux documents (certificat APP et attestation d’exclusivité de l’éditeur) qui permet de satisfaire aux exigences posées par le Conseil d’Etat et de conclure un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables.

  • Le dépôt auprès de l’APP

L’enregistrement d’une création numérique auprès de l’APP permet de figer une création à un instant t et d’obtenir un certificat indiquant l’identité du titulaire de droits présumé sur la création.

Précisons que l’enregistrement d’une création auprès de l’APP a une vocation probatoire. Il ne s’agit donc pas pour le déposant de se créer des droits de propriété intellectuelle sur une création mais d’être en mesure de rapporter plus facilement la preuve de ses droits en cas de contrefaçon de son logiciel.

Le dépôt effectué auprès de l’APP permet en effet au déposant de se pré-constituer la preuve de ses droits sur la création, notamment en ce qui concerne sa date et la paternité de l’œuvre. Il est à noter que c’est le titulaire de droits qui doit déposer à l’APP. Dans le cas d’une pluralité d’auteurs, il est possible de déposer une création en cotitularité.

[1] CE, 7e et 2e sous-sections réunies, 2 octobre 2013, n°368846.