En droit d’auteur « classique »


Le 9 mars 2018

(Référence de l'article : 2180)

  1. Principe

Par principe, « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » (article L113-1 du code de la propriété intellectuelle).

La personne qui a divulgué l’œuvre pourra soit être :

  • l’auteur. En effet, l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit incorporel exclusif et opposable à tous » ;
  • la personne à qui les droits ont été cédés au titre d’un contrat de cession.

Se pose la question de savoir si l’auteur d’un logiciel peut être une personne morale. La Cour de cassation a considéré « qu’une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur » au sens de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle (Civ. 1ère, 15 janvier 2015, n°13-23566).

En droit communautaire, l’article 2.1 de la directive 2009/24/CE prévoit expressément que « l’auteur d’un programme d’ordinateur est la personne physique ou le groupe de personnes physiques ayant créé le programme, ou, lorsque la législation de l’État membre concerné l’autorise, la personne morale considérée par cette législation comme étant le titulaire du droit ».

  1. Cas particuliers

Plusieurs auteurs peuvent intervenir dans la réalisation d’un logiciel. Dans ce cas, le principe de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle connaît des dérogations qui dépendent du type d’œuvre concerné.

    1. Œuvre de collaboration

Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».

Concernant la titularité des droits sur une œuvre de collaboration, l’article L113-3 du code de la propriété intellectuelle a prévu que « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord ». L’exploitation d’une œuvre de collaboration peut ainsi être bloquée en cas de désaccord des différents auteurs.

En droit communautaire, l’article 2.2 de la directive 2009/24/CE prévoit que « lorsqu’un programme d’ordinateur est créé en commun par plusieurs personnes physiques, les droits exclusifs sont détenus en commun par ces personnes ».

La jurisprudence a eu l’opportunité de clarifier ce que le législateur entend par coauteurs d’une œuvre de collaboration. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris a considéré qu’un logiciel était « le résultat d’un travail concerté et conduit en commun » par les coauteurs et a de ce fait retenu la qualification d’œuvre de collaboration (TGI Paris, 3e ch., 6 mars 2001).

Les juges ont également souligné que « la société Apsys n’a eu qu’un rôle secondaire dans la phase de création du logiciel, se bornant à une fourniture de moyens et à l’élaboration du cahier des charges. Le logiciel MKGT n’est donc ni une œuvre de collaboration, ni une œuvre collective, si bien que la société Apsys ne peut prétendre à la qualité de coauteur » (CA Versailles, 12e ch., 7 octobre 2004).

Cette position a été confirmée par la cour d’appel de Paris qui a considéré que « les coauteurs d’une œuvre de collaboration doivent avoir un dessein commun et avoir réalisé leurs créations respectives sous l’empire d’une inspiration commune et en se concertant et ce, sur un pied suffisant d’égalité. Tel n’est pas le cas des plaignants qui ne sont intervenus respectivement que comme traducteur et contributeur et qui n’ont jamais revendiqué la qualité de coauteur du logiciel » (CA Paris, 1ère ch., 27 février 2013).

    1. Œuvre collective

L’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle définit l’œuvre collective comme « l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

Concernant la titularité des droits sur une œuvre collective, l’article L113-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur ».

Cet article est issu de l’article 2.1 de la directive 2009/24/CE qui dispose que « lorsque les œuvres collectives sont reconnues par la législation d’un État membre, la personne considérée par la législation de l’État membre concerné comme ayant créé l’œuvre est réputée en être l’auteur ».

La cour d’appel de Colmar a considéré qu’un logiciel pouvait être une œuvre collective en raison de présomptions précises et concordantes telles que « le logiciel développé à l’initiative et sous la maîtrise d’œuvre de Codat », commercialisé « sous le nom de Sislam, marque déposée par Codat », modernisé avec le concours des salariés de Codat dont les contributions se sont fondues dans un ensemble indivisible (CA Colmar, 3 octobre 1995, Pierre T. / Codat).

Quelques années plus tard, le tribunal de grande instance de Paris refuse de qualifier un logiciel d’œuvre collective aux motifs qu’il était « le résultat d’un travail concerté et conduit en commun », par M.B, qui prétendait assurer la maîtrise d’ouvrage du projet, pour l’aspect fonctionnel et par M. N et M. T pour l’aspect technique et le travail de programmation. A l’inverse, si M. B avait été investi d’un pouvoir de contrôle sur l’ensemble des aspects du logiciel, celui-ci aurait pu être qualifié d’œuvre collective (TGI Paris, 3e ch., 6 mars 2001).

Enfin, plus récemment, le tribunal de grande instance de Lyon a précisé que « la qualification d’œuvre collective exige de démontrer que la personne morale est à l’initiative de l’œuvre, qu’elle a endossé un rôle prépondérant à tous les stades de la création de telle sorte que l’œuvre se trouve marquée par sa maîtrise d’œuvre intellectuelle et qu’elle exploite l’œuvre sous son nom » (TGI Lyon, 3e ch., 16 mai 2017).

    1. Œuvre dérivée/composite

Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, « est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ».

Selon l’article 2.3 « Œuvres dérivées » de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 modifiée le 28 septembre 1979, « sont protégés comme des œuvres originales, sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale, les traductions, adaptations, arrangements de musique et autres transformations d’une œuvre littéraire ou artistique ».

Concernant la titularité des droits sur une œuvre composite, l’article L113-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante ».

L’article L112-3 du code de la propriété intellectuelle ajoute que « les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale ».

Ainsi, si l’auteur d’une œuvre composite est titulaire des droits sur l’œuvre seconde qu’il a créée, l’auteur de l’œuvre première qui y est incorporée conserve ses droits sur sa propre création. Chacun des auteurs est donc propriétaire de son apport, sous réserve qu’il soit original.

Sur ce point, les juges ont considéré que « les versions successives d’un progiciel nécessairement évolutif tant au niveau des évolutions technologiques, médicales et des besoins de la clientèle, qui doivent être rendues compatibles avec les précédentes, ne constituent pas en tant que telle une œuvre originale nouvelle ». L’auteur des versions successives du logiciel n’a donc été qualifié ni d’auteur, ni de titulaire des droits d’une œuvre composite (CA Versailles, 4 octobre 2001, Pierre T. / Codat).