Titularité des droits


Le 9 mars 2018

(Référence de l'article : 2117)

  1. Principe

Par principe, « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » (article L113-1 du code de la propriété intellectuelle).

Or, la personne qui a divulgué l’œuvre pourra soit être :

  • son créateur. En effet, l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit incorporel exclusif et opposable à tous » ;
  • la personne à qui les droits ont été cédés au titre d’un contrat de cession.

Cette règle est d’ailleurs prévue par l’article 4.1 de la directive 96/9/CE qui dispose que : « l’auteur d’une base de données est la personne physique ou le groupe de personnes physiques ayant créé la base ».

Le milieu professionnel ne déroge pas à cette règle. Un salarié, auteur de la structure d’une base de données, demeure donc titulaire des droits sur la base sans qu’il n’y ait de dévolution automatique au profit de l’employeur. En effet, contrairement aux logiciels, la base de données ne fait pas l’objet d’un régime dérogatoire concernant la dévolution des droits des auteurs salariés.

Le considérant 29 de la directive 96/9/CE laissait, pourtant, la porte ouverte à un régime dérogatoire pour les salariés, auteurs de bases de données. En effet, il prévoyait que « le régime applicable à la création salariée est laissé à la discrétion des Etats membres ».

  1. Cas particuliers
    1. L’œuvre collective

Souvent, une base de données est créée par plusieurs personnes à l’initiative d’une seule, physique ou morale, qui va coordonner la réalisation et éditer la création sous son nom.

Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, « est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

En outre, « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée » (article L113-5 du code de la propriété intellectuelle).

Ce principe est d’ailleurs énoncé par l’article 4.2 de la directive 96/9/CE qui dispose que : « lorsque les œuvres collectives sont reconnues par la législation d’un Etat membre, les droits patrimoniaux sont détenus par la personne investie du droit d’auteur ».

En ce sens, le Conseil d’Etat a considéré que le répertoire Siren tenu par l’Insee « constitue une base de données qui doit être regardée comme une œuvre collective pouvant légalement inclure des droits relevant de la propriété intellectuelle au profit de l’Etat » (CE, 10e sous-section, 10 juillet 1996).

En 2004, la Cour de cassation a jugé que « la contribution personnelle des divers auteurs s’était fondue dans l’ensemble en vue duquel le dictionnaire avait été conçu, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun un droit distinct sur l’ensemble réalisé ; que [la Cour d’appel] a ainsi légalement justifié sa décision de qualifier « Le Petit Z… » d’œuvre collective, et de retenir que les droits de l’auteur étaient nés à titre originaire en la personne de la société qui a réalisé et divulgué l’ouvrage » (Civ 1ère, 16 novembre 2004, pourvoi n°02-17683).

    1. L’œuvre de collaboration

Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».

Concernant la titularité des droits sur une œuvre de collaboration, l’article L113-3 du code de la propriété intellectuelle a prévu que « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord ». L’exploitation de la base de données peut donc être bloquée si l’unanimité n’est pas atteinte.

Dans le même sens, l’article 4.3 de la directive 96/9/CE dispose que : « lorsqu’une base de données est créée en commun par plusieurs personnes physiques, les droits exclusifs sont détenus en commun par ces personnes ».

    1. La cession de droits

Lorsqu’une personne qui n’est pas titulaire des droits sur une base de données souhaite l’exploiter, il est nécessaire de conclure un contrat de cession de droits entre l’auteur et le cessionnaire. Au préalable, il conviendra de s’assurer que le cédant dispose bien des droits de propriété intellectuelle sur la base de données.

Seuls les droits patrimoniaux de l’auteur, permettant l’exploitation de la base de données, peuvent faire l’objet d’un contrat de cession de droits.

Pour être valide, un contrat de cession de droits doit être écrit, identifier précisément l’œuvre cédée et comporter un certain nombre d’éléments. Ainsi, en vertu de l’article L131-3 du code de la propriété intellectuelle « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que :

  • chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession ;
  • le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimités quant à :
    • son étendue ;
    • sa destination ;
    • au lieu ;
    • sa durée».

L’article L131-4 du code de la propriété intellectuelle ajoute, également, que « la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre […] doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation ».

Il est également primordial de préciser que « la cession globale des œuvres futures est nulle » (article L131-1 du code de la propriété intellectuelle). Cela signifie donc que la cession des droits sur des œuvres qui n’existent pas au moment de la signature du contrat n’est pas valide. Il est toutefois possible de conclure un contrat de cession pour une base de données future, à condition qu’elle soit clairement identifiable dès la conclusion du contrat de cession.

Enfin, il est d’usage d’insérer une clause sur la garantie d’éviction dans les contrats de cession de droits. Par cette clause, le cédant garantit être titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la base cédée et assumera les frais liés à une procédure judiciaire en cas d’action en contrefaçon émanant d’un tiers.

En effet, la cession de droits s’interprétant comme une vente, l’article 1626 du code civil tend à s’appliquer comme en témoigne un arrêt de la Cour de cassation de 1998. En l’espèce, les juges ont considéré que « la garantie d’éviction est due par tout cédant d’un droit de propriété, corporel ou incorporel » (Civ 1ère, 7 avril 1998, pourvoi n°96-13292).

Quant à l’article 1626 du code civil, il dispose que : « quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ».